developper-intelligence-emotionnelle-et-intuitive

J’avais écrit il y a quelques temps un article intitulé « Adopter la posture du jardinier dans le management ». Ce matin, en prenant soin de mes plantes vertes, je réfléchissais à ce que signifie pour moi « prendre soin de la vie » et comment faire. Je pense que ça passe par notre capacité à ressentir, qu’il est aujourd’hui urgent de développer, notamment dans nos organisations.

Ça veut dire quoi « prendre soin de la vie » ?

Au niveau individuel, cela veut déjà dire prendre soin de son corps, mais aussi de tout ce qui est vivant en nous, de tout ce qui fait que nous sommes en vie : notre corps, mais aussi nos émotions, notre capacité à ressentir.

Le souci, c’est que bien souvent, nous sommes déconnectés de notre corps. Descartes a sacralisé l’homme pensant, l’Homo Sapiens : « Cogito ergo sum », « je pense donc je suis ». L’homme pensant qui grâce à son intelligence a domestiqué la nature, en est devenu le maître, allant jusqu’à oublier qu’il en fait partie. Ainsi, petit à petit, nous nous sommes déconnectés de notre corps et de nos émotions, des autres et de notre environnement, ne devenant que des hommes et des femmes pensant et agissant uniquement mus par notre intellect.

Prendre soin de la vie, c’est donc pour moi réapprendre à prendre soin de nous, des autres et de notre environnement, de la planète.

Pour y parvenir, il faut revenir à ce dont nous nous sommes coupés : notre capacité à ressentir.

Pourquoi est-il urgent de développer notre capacité à ressentir ?

Il est grand temps de nous réapproprier cette faculté de ressentir, et ce pour de multiples raisons.

Dans un monde de plus en plus complexe et incertain, l’intelligence rationnelle ne suffit plus. Il nous faut développer d’autres formes d’intelligence, et notamment une intelligence plus sensible, plus intuitive, qui nous permet d’avancer dans l’incertitude, reliés à ce que nous ressentons, en prenant comme indicateurs de bon ou mauvais choix non plus uniquement notre intelligence rationnelle mais également nos ressentis corporels et émotionnels.

Dans une logique d’efficacité, où tout va toujours plus vite et où nous sommes toujours plus dans le faire et l’avoir, nous nous sommes également petit à petit coupés des autres. Coupés de cette part sensible qui nous permet d’être véritablement en relation avec les autres, dans une posture d’écoute ouverte et authentique. Ce sont alors nos relations personnelles et/ou professionnelles qui en pâtissent. C’est insidieux car les conséquences ne sont pas toujours visibles immédiatement. Mais priver les autres de cette écoute profonde et authentique, cela les amène à leur tour à se couper de leur part sensible.  Et donc à se couper de leur intelligence émotionnelle et intuitive. Compétences dont les organisations ont cruellement besoin pour avancer dans l’incertitude. Autre conséquence : en se coupant de ses ressentis, on se coupe de ce qui est vivant dans les organisations. On se retrouve avec des organisations sans vie, sans en-vie, sans joie, sans motivation. Il est donc urgent de renouer avec notre intelligence émotionnelle et notre capacité d’empathie, non seulement pour instaurer de meilleures relations avec les autres, mais également pour développer ces autres formes d’intelligence dont nos organisations ont et auront de plus en plus besoin.

Enfin, nous nous sommes coupés de notre environnement, de la nature dont nous faisons partie et dont nous avons besoin pour continuer à exister. C’est en effet la nature qui fournit les ressources dont nous avons besoin pour développer nos entreprises, pour construire nos maisons, pour nous fournir en énergie, pour cultiver ce que nous mangeons. Nous avons perdu notre capacité à ressentir l’environnement dans lequel nous vivons, et de ce fait, nous n’en prenons plus soin et le détruisons. Nous scions la branche de l’arbre sur laquelle nous sommes assis.  C’est une autre raison pour laquelle il est urgent de renouer avec notre capacité à ressentir. Sentir et ressentir la nature, sentir que nous en faisons partie, et que prendre soin de nous, de la pérennité de notre entreprise et des générations futures passe par le fait d’en prendre soin.

Comment faire ?

Voici quelques pistes :

1/ Commencer par soi : prendre soin de soi et développer sa propre capacité à ressentir.

Comment peut-on prendre soin du vivant, qu’il s’agisse des femmes et des hommes de nos organisations ou de notre environnement, si l’on ne prend pas déjà soin de soi-même ? Pour reprendre l’image du manager jardinier : comment être un tuteur qui aide les autres à se développer si on ne prend pas déjà soin de son développement personnel ?

2/ Ralentir pour « réintégrer » son corps et se mettre à l’écoute de ce qui se passe en soi.

3/ Avoir des pratiques qui nous ramènent à notre corps et à nos sens, à notre capacité à ressentir : par exemple, cuisiner, jardiner, marcher dans la nature, pratiquer le yoga ou la méditation en pleine conscience, danser.

4/ Développer notre intelligence émotionnelle, dont la très sérieuse Harvard Business Review a d’ailleurs fait son dernier hors série : ré-apprendre à ressentir nos émotions, les accueillir, identifier le message qu’elles ont pour nous. Comprendre en quoi elles sont un précieux allié déjà pour nous : c’est le premier pas pour avoir envie d’être à l’écoute des émotions des autres.

Les émotions sont là pour nous animer, nous donner l’en-vie d’agir. Issues du latin « emovere », le but des émotions, c’est de nous mettre en mouvement. La peur est là pour nous dire de fuir. La colère pour nous pousser à agir, face à un besoin de respect ou de justice. La tristesse nous pousse à aller chercher du réconfort. Les émotions sont de l’énergie à l’état brut, et en cela, elles nous mettent en mouvement. Elles nous font nous sentir vivants.

Pour pouvoir les ressentir, il faut déjà être « dans son corps » (et pas uniquement dans le mental), pour être à l’écoute de celui-ci. Car les émotions s’expriment en premier lieu par des ressentis corporels. Par exemple, la peur peut se manifester par une boule dans le ventre, la colère par la contraction des mâchoires, l’amour par une sensation de papillons dans le ventre…

5/ Quand on est manager ou dirigeant :

Prendre des temps entre pairs où ces moments d’écoute profonds et authentiques sont pratiqués : via entre autres pratiques du co-développement, des cercles de résonance, ou en faisant partie d’une association comme EVH par exemple.

– S’autoriser des temps de pause, qu’il s’agisse de formations de développement personnel, de retraites, ou autre.

Bien sûr, tout cela est précieux pour tous, et pas uniquement pour les managers ou les dirigeants. Mais ça commence par là, car ce sont eux qui impulsent le mouvement, qui montrent la voie. Sans managers ou dirigeants reliés à cette intelligence émotionnelle et intuitive, l’organisation dans son ensemble ne peut pas développer ces capacités.

C’est là un enjeu clé pour avancer dans ce monde de plus en plus complexe et incertain. Et au-delà de la période que nous traversons, c’est un enjeu clé pour l’avenir de l’humanité…

Je conclurai avec cette magnifique citation de Pierre Rabhi :

« Il nous faudra bien répondre à notre véritable vocation, qui n’est pas de produire et de consommer sans fin, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. »

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