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Dans cet article, j’ai envie de vous parler de « Don’t look up » et « Une fois que tu sais » : 2 films à voir pour, peut-être, sortir du déni et entamer la traversée de la courbe du changement.

« Don’t look up »

Ce film, réalisé par Adam McKay, c’est l’histoire de scientifiques qui découvrent qu’une météorite s’apprête à détruire la Terre et vont alors tout faire pour prévenir l’humanité de la probable et inévitable fin du monde, et tenter d’empêcher cette catastrophe. Mais voilà, ils se heurtent à un déni généralisé.

Comment ne pas faire le parallèle avec le déni dans lequel nous sommes face aux dérèglements climatiques et aux conséquences de ceux-ci ?

Sujet on ne peut plus d’actualité alors que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) vient de publier ce 28 février 2022 le 2eme volet de son 6eme rapport. Celui-ci, une fois de plus, tire la sonnette d’alarme sur les conséquences désastreuses de la logique économique en vigueur depuis les années 70 qui engendre une accélération du réchauffement climatique jamais vue depuis l’histoire de la Terre. Si vous n’avez à court terme pas le temps de lire le résumé à l’intention des décideurs fait par le GIEC (ici : https://lnkd.in/dWrtjeQQ), je vous invite déjà à lire dans un 1er temps la très bonne synthèse de ce rapport faite par le site bonpote.com : https://lnkd.in/dnfzDXe2.

Le déni : la première étape de la courbe du deuil ou courbe du changement

Le déni est la première étape dans la courbe du deuil, modélisée par Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre helvético-américaine. Cette courbe s’applique au deuil, mais aussi à toute forme de perte catastrophique. Le déni est donc normal. Simplement, il ne faut pas y rester, sous peine de ne jamais se mettre en mouvement. Ce que nous montre cette courbe, qui est aussi la courbe du changement, c’est qu’il est indispensable d’aller connecter à nos émotions pour sortir du déni (voir image ci-dessous, issue de cet article : https://www.swissleaders.ch/article/actuel/accompagnement-manager). Ce à quoi nous invite d’ailleurs merveilleusement bien « le travail qui relie » (work that reconnects) que propose Joanna Macy pour justement faire face à l’effondrement annoncé. Aller rencontrer notre colère, notre peur, notre tristesse. Contacter à notre vulnérabilité pour nous mettre en mouvement. C’est d’ailleurs cela, le rôle des émotions. Etymologiquement, elles nous ramènent au latin « emovere », le mouvement. Les émotions sont des énergies qui nous mettent en mouvement. Nous permettant de sortir du déni pour aller vers une phase de remise en question, puis de remobilisation et enfin d’engagement.

Ce qui m’amène au deuxième film dont j’avais envie de vous parler…

Courbe du changement

« Une fois que tu sais »

Je ne peux que vous recommander de regarder ce film, écrit et réalisé par Emmanuel Cappelin, que l’on peut notamment trouver en VOD sur Vimeo (https://www.nourfilms.com/cinema-independant/une-fois-que-tu-sais/).

Un film qui m’a profondément touchée, et qui, en cela, joue bien ce rôle de mise en mouvement. Les rapports du GIEC sont de la plus haute importance, ils parlent à notre tête, à notre part rationnelle, en alignant toute une série de faits scientifiques. Mais ils peuvent créer un choc et amener au déni : « Ce n’est pas possible, on n’en arrivera jamais là ! » Ou alors : « Ne nous inquiétons pas, on va trouver des solutions. » Ou encore : « C’est impossible, nous n’y arriverons jamais ! »

Ce film m’a touchée par la sensibilité de son écriture et par sa lucidité quant au double défi auquel nous devons faire face : pénurie de ressources et changement climatique, amenant dans leur sillage un effondrement… Il apporte les faits, les données des scientifiques, mais donne aussi à voir l’impact des changements qui sont déjà à l’œuvre, donne la parole à celles et ceux qui ont peur et qui se démènent pour sensibiliser et agir, ou simplement pour survivre.

C’est un film qui ne peut pas laisser indifférent, qui questionne sur notre responsabilité, notamment par rapport aux pays qui vivent déjà les conséquences dramatiques du réchauffement climatique. Aujourd’hui, ce sont ces pays-là qui sont touchés. Comment peut-on rester insensible face à cette injustice climatique où ce sont les actions des pays les plus riches qui impactent les pays les plus pauvres, avec pour conséquences des famines obligeant les populations à fuir leur pays ? Et demain, on le sait, ce sont tous les pays qui seront touchés. En témoignent les récents feux de forêt en Californie ou en Australie, ou plus près de chez nous, les inondations de juillet 2021 en Belgique et en Allemagne.

« Une fois que tu sais, tu ne peux plus jamais être le même. (…) Pour moi, la seule stratégie possible est de faire en sorte de n’avoir aucun regret. Il faut donc faire de notre mieux maintenant afin de sensibiliser et de créer des exemples de modes de vie durables. Il faut réduire la souffrance humaine et préserver les écosystèmes du mieux qu’on peut. Il faut aussi lâcher prise et se dire que d’une façon ou d’une autre, tout cela fera la différence. On se dirige vers des temps difficiles, mais plus on sera nombreux à s’engager, à créer de la résilience et à agir avec empathie, voire même un peu de sagesse, mieux on s’en sortira tous. »

Richard Heinberg

« Je pense que l’avenir de l’Homme peut prendre deux directions possibles. Soit on optera pour la solidarité, soit une scission se créera entre les riches et les pauvres, entre les différents pays. Il y aura des guerres pour les ressources, on ne pourra plus stopper les flux de migrations. On essaiera d’y mettre fin en tirant sur les bateaux, en tuant, comme c’est déjà le cas en ce moment en Méditerranée et dans le golfe de Thaïlande. Il s’agit de sacrifier une part grandissante du monde pour permettre à un petit nombre de continuer à vivre. Ce serait un monde forteresse. »

Saleemul Hug

Est-ce de ce monde dont nous voulons, un monde où à l’image des Etats-Unis ou de l’Inde qui érigent des murs à leurs frontières, chacun se barricade chez soi ?

Il y a urgence à sortir du déni et à ouvrir nos yeux et notre cœur sur ce qui se passe. Nous avons à vivre collectivement la courbe du changement, à en traverser collectivement toutes les étapes.

« C’est la transformation la plus difficile que l’humanité ait jamais traversée, et la plus risquée, du point de vue de notre espèce. »

Susanne Moser

Vous l’aurez compris, c’est un film qui nous permet de traverser en accéléré beaucoup d’émotions. La colère, la tristesse, mais aussi l’espérance. Il nous invite à choisir la voie de la solidarité et la coopération. Dès aujourd’hui, pour préparer demain. « Inventer des récits où, en se préparant ensemble, on préparerait aussi le monde d’après. Des récits collectifs, humbles et joyeux. »

Alors, si on y allait, qu’on plongeait une bonne fois pour toute pour aller rencontrer nos émotions ? Ce n’est certes pas confortable, c’est déstabilisant, mais nous avons besoin de passer par là pour revenir à la vie, pour nous remobiliser et agir au service de la vie.

Cet article vous parle ? N’hésitez pas à le partager ou à me contacter pour en discuter ! Je propose avec Véronique Péterlé des parcours pour se mettre en mouvement qui allient fresque du climat pour comprendre, travail qui relie pour ressentir et entrer dans le processus du changement, et enfin atelier 2 tonnes et ateliers de créativité pour identifier des solutions et passer à l’action.

Mercredi 8 avril 2020. Voilà maintenant 3 semaines et demi que nous sommes confinés chez nous. Bientôt un mois…

Vendredi dernier, une amie m’invitait à me poser la question suivante : « Qu’est-ce que ce confinement change en moi ? », partant de cet adage qui dit que « parfois, les choses que nous ne pouvons pas changer finissent par nous changer ». Alors j’ai pris le temps de me poser sur cette question et vous partage ici mes premières réflexions…

La « crise du COVID 19 », ce petit virus qui a en très peu de temps tout mis à l’arrêt. Depuis nos vies jusqu’à l’économie mondiale. C’est comme si quelqu’un avait, malgré nous, appuyé sur le bouton « pause » de la télécommande pour arrêter le film que nous étions en train de jouer. Pour passer de la posture de personnages de ce film (et je n’utilise pas volontairement ici le mot « acteurs ») à celle de spectateurs. Pour prendre le temps de regarder ce film. Un film qui parle de la course folle de nos vies. Un film qui nous donne notre dose d’adrénaline, nous donnant ainsi l’impression (l’illusion ?) de vivre. Oui, de vivre une vie trépidante où nous courons de réunion en réunion, où nous sommes toujours dans l’action. Mais est-ce cela le sens de la vie ?

Cette crise nous impacte tous différemment. Il y a ceux qui sont en première ligne, qui se donnent corps et âme chaque jour, pour aider, soigner. Il y a ceux qui continuent d’aller travailler pour répondre à nos besoins de première nécessité (personnel travaillant dans les commerces alimentaires, pharmacies, éboueurs, facteurs, et bien d’autres encore). Il y a tout le corps enseignant qui s’adapte, qui télétravaille, pour continuer à transmettre à nos enfants. Il y a tous les salariés qui télétravaillent aussi, tout en essayant de gérer au mieux l’impact de cette crise sur leur entreprise ainsi que leur vie familiale, pour ceux qui ont des enfants. Et puis il y a aussi ceux dont l’activité professionnelle s’est arrêtée du jour au lendemain. Les commerçants dont les commerces ne répondent pas à des besoins de première nécessité, les restaurateurs, un bon nombre d’indépendants dont je fais partie, et bien d’autres encore. Pour autant, je pense que pour tous, même si les impacts sont différents, cette crise a à nous transmettre des enseignements précieux.

Pour ma part, je me suis donc retrouvée sans activité du jour au lendemain. Les missions clients arrêtées, reportées. J’ai très bien vécu la première semaine du confinement, cette pause bienvenue dans ma vie. Prendre le temps de profiter de mon jardin, du soleil, de mes enfants, jouer, peindre, lire, écrire, réfléchir, méditer, faire du yoga. Il n’était plus question de FAIRE, juste d’ETRE, et c’était bon. Doux, agréable. Une pause dont mon corps et ma tête avaient sans doute besoin.

Puis est venue la deuxième semaine, avec beaucoup de « tentations ». Le besoin (ou l’envie ?) de FAIRE, d’être actrice, de « profiter » de cette période pour « faire plein de choses » : contribuer, échanger, apprendre, découvrir. Et cette deuxième semaine a été à l’opposée de la première, avec beaucoup de rendez-vous en visio-conférence, pour travailler à la construction du programme de la prochaine Fabrique du Changement de Lille, découvrir comment allier jeux et développement personnel / développement d’équipe avec « le labo des jeux », et aussi pour échanger, réfléchir à comment « faire ma part » et être active / actrice dans cette période. Au final, une deuxième semaine où je me suis presque sentie « débordée », par contraste avec la première semaine, tant j’étais dans le FAIRE. Comme « prise à la gorge », en manque de respiration.

En même temps que je vivais cela, je travaillais à la mise en place d’un atelier sur l’intelligence émotionnelle, que j’ai proposé en troisième semaine. En préparant cet atelier, je me suis vraiment posée sur ce que je ressentais pour aller identifier les besoins que je nourrissais, et ceux, à l’inverse, qui n’étaient pas nourris. Ce qui m’a permis de mettre le doigt sur mon besoin de trouver en moi cet équilibre entre l’ETRE et le FAIRE. Et de comprendre que l’équilibre, ce n’est pas 10% à ETRE pour 90% à FAIRE, mais un réel équilibre. 50-50. Comme la respiration finalement, où l’inspir est égal à l’expir. Au-delà de comprendre que j’avais ce besoin, j’ai pu expérimenter en quoi cet équilibre est bénéfique. Pour moi, déjà, mais aussi, je pense, pour tout un chacun. 

Quand je suis dans l’ETRE, je suis dans l’instant présent. Je suis à l’écoute de mes émotions, mes ressentis, mes élans spontanés. ETRE moi avec moi, cela peut passer pour moi par la méditation, le yoga, l’écriture. ETRE moi avec les autres, c’est un état que je contacte par exemple quand je joue avec mes enfants ou quand j’ai une discussion authentique et profonde avec des amis. Une connexion d’ETRE à ETRE. Et enfin, ETRE moi avec mon environnement, avec la planète, passe pour moi notamment par l’observation et l’écoute de la nature. Peu importe les moyens, qui sont propres à chacun pour être dans cette qualité d’ETRE. Ce qui importe, c’est l’intention. Ne pas chercher à FAIRE, à obtenir un résultat, à être efficace, à optimiser mon temps. Simplement jouir de l’instant présent. C’est cela pour moi ETRE.

Et j’ai pu observer depuis une semaine que cet état d’ETRE me permet de FAIRE, d’agir en conscience, à partir de mes élans, de mon cœur, et non pas en mode « pilote automatique ». La « to do list » quotidienne que je pouvais m’imposer (pour au final n’en faire peut-être que 30% ou 50%) est devenue la « tout doux liste », pour reprendre l’expression d’une amie.

J’ai pu observer que lorsque je suis dans cette qualité d’ETRE, je suis pleinement dans la conscience de ce que je vis et de ce qui vit en moi, mettant en exergue le sens et l’essence, l’essentiel. Me permettant de faire le tri, de me réajuster en permanence dans un FAIRE équilibré, ajusté, aligné avec ce qui fait sens pour moi, ce qui m’est essentiel. Et permettant à ma créativité d’émerger. Le principal indicateur de cela étant pour moi le fait de ressentir de la joie.

Ma prise de conscience, c’est que cet équilibre me semble plus que jamais indispensable. L’équilibre entre l’ETRE et le FAIRE. Pour moi. Pour nous tous. Pour notre planète. Pour reprendre l’image de la respiration, inspirer / me laisser inspirer (ETRE) par ce qui émane de mon intériorité et de ma connexion aux autres et à mon environnement, pour pouvoir expirer (FAIRE) en conscience. En conscience de moi (mes émotions, mes besoins, mes élans), en conscience des autres et en conscience de mon environnement. Cet équilibre me semble indispensable pour agir avec discernement et justesse. Ne pas agir pour « dépiler » une « to do list » qu’on s’impose, pour s’occuper ou pour remplir ses journées, comme la société de consommation nous l’a appris. Mais agir en conscience de ce qui est bon est juste pour nous, pour les autres et pour notre environnement.

J’ai pris conscience pendant ce confinement que ne rien FAIRE n’était pas synonyme de non impact. Il me semble que de rester ancré et serein au travers d’une qualité d’ETRE dans la période que nous traversons est indispensable pour contrebalancer toute l’agitation extérieure ambiante qui parle aussi de peurs. A l’image d’un phare qui est simplement posé, ancré, sur la terre ferme, qui ne « fait » rien, hormis éclairer, quand c’est l’agitation en pleine mer et que les marins s’activent pour traverser la tempête. A nouveau, tout est une question d’équilibre.

Dans ce monde où les « bons » KPIS parlent d’efficacité, de productivité, de rentabilité, j’ai envie de questionner avec cet article sur l’efficacité réelle de nos actions. La « vraie » efficacité ne doit-elle pas intégrer la notion de durabilité ? Sous peine de voir tous nos efforts réduits à néant en un rien de temps, comme nous le montre la crise que nous traversons aujourd’hui.

Je suis intimement convaincue que les choix les meilleurs sont ceux qui sont bons et justes pour nous, pour les autres et pour notre planète. D’où l’importance de trouver cet équilibre fragile entre l’ETRE et le FAIRE. Savoir s’arrêter, faire silence, pour pouvoir être à l’écoute de nos ressentis, de nos élans, de cette petite voix intérieure qu’on peut appeler l’intuition, mais aussi à l’écoute des autres et de notre environnement, pour agir avec discernement et justesse. Cela nécessite de ralentir, de marquer des temps de pause, comme celui que nous vivons en ce moment. Pour sortir de la roue du hamster, arrêter de courir sans plus même savoir où l’on va, sortir du mode « pilote automatique ».

Alors oui, pour l’instant, je n’ai plus de « travail ». Mais j’ai envie de dire MERCI pour cela, merci pour cette crise qui me permet de rééquilibrer l’ETRE et le FAIRE. De ressentir en moi combien cet équilibre si fragile est tellement important. Vivre cette expérience en conscience pour en imprégner chacune de mes cellules, et je l’espère, ne pas repartir « à fond », après, dans la roue du hamster.

Loin de me sentir privée de ma liberté, j’ai au contraire le sentiment d’être plus libre que jamais. Car la véritable liberté n’est-elle pas celle d’agir en conscience, en choisissant à chaque instant chacune de nos actions, en répondant chaque jour à cette question :

Au service de quoi ai-je envie de mettre mon énergie aujourd’hui ?

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